Dorémi, membre de notre Comité d’Engagement : la rénovation performante pour tous⋅tes
Le Comité d’Engagement d’Énergie Solidaire est l’organe qui élabore les appels à projets et sélectionne les lauréats soutenus par le fonds de dotation. Rencontre avec Léana Msika, chargée de projets pour Dorémi rénovation, pour discuter de leur place dans notre organe démocratique.
Comment l’entreprise solidaire Dorémi a-t-elle été créée ?
Dorémi est le fruit d’une réflexion qui a commencé en 2001. Cette année-là, l’association négaWatt a créé pour la première fois un scénario de transition énergétique, montrant notamment qu’il est possible, à des conditions précises, d’arriver à 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Plus connu sous le nom de scénario négaWatt, il montre qu’il est possible de transformer notre mix énergétique en sortant progressivement des énergies fossiles et du nucléaire si et seulement si trois piliers sont activés et respectés :
- la sobriété énergétique, c’est-à-dire prioriser les besoins énergétiques essentiels dans les usages individuels et collectifs de l’énergie (par exemple éteindre les vitrines des magasins et bureaux inoccupés la nuit, limiter l’étalement urbain, réduire les emballages, …)
- l’efficacité énergétique, ou réduire la quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction d’un même besoin (par exemple isoler les bâtiments, améliorer les rendements des appareils électriques et des véhicules, …)
- privilégier les énergies renouvelables.
Suite à la création du scénario, nous avons voulu aller au-delà de la théorie et rendre concrète la transition énergétique que nous proposons. L’Institut négaWatt est né de cette volonté, en 2009 avec un rôle d’incubateur de projets de transition notamment avec et pour les territoires. L’un des premiers projets portés par l’Institut était Dorémi ! Depuis 2017, Dorémi est une filiale de l’Institut négaWatt qui a la forme d’une entreprise sociale et solidaire.
Quelle est la mission de Dorémi ?
L’interrogation qui a mené à la création de Dorémi est la suivante : sur quels aspects prioritaires peut-on agir pour augmenter l’efficacité énergétique ? Nous avons choisi le secteur du bâtiment, qui est le plus consommateur d’énergie, également très émetteur de gaz à effets de serre. Le parc de bâtiments qui consomme le plus est celui des logements. Parmi celui-ci, les maisons consomment plus d’énergie que les appartements, en particulier les maisons non isolées d’avant 1975. Enfin, nous avons décidé de cibler l’ensemble des ménages, y compris modestes et très modestes, qui sont dans des maisons énergivores dont ils sont propriétaires ou héritiers.
Notre ambition est simple : rénover de manière performante les maisons, notamment des personnes qui en ont le plus besoin pour les protéger des hausses des prix de l’énergie.
Que veut dire « rénovation performante » ?
Pour Dorémi, une rénovation performante est une rénovation qui vient d’une vision globale de la maison et de ses occupants. Nous opposons à celle-ci ce que l’on nomme la rénovation par gestes, la plus courante aujourd’hui, c’est-à-dire effectuer des travaux petit pas par petit pas. Cela ne fonctionne pas, et ça crée même des situations potentiellement dangereuses (isoler sans ventiler par exemple peut créer des moisissures) ! Car on ne peut pas augmenter significativement la performance énergétique de son logement si on n’agit que sur un seul aspect (changer une chaudière, l’année d’après une fenêtre, puis isoler des combles, sans coordonner ces travaux).
La rénovation performante pour Dorémi vise le niveau Bâtiment Basse Consommation-Rénovation (BBC-rénovation) ou équivalent, c’est-à-dire atteindre une classe A ou B au diagnostic de performance énergétique. C’est ambitieux, mais c’est aussi ce qui marche vraiment : nos retours de chantiers montrent que l’on divise par 4 à 8 les consommations de chauffage des maisons après rénovation performante ! C’est pour cela que nous travaillons à rendre ces rénovations accessibles aux ménages modestes : lorsqu’ils vivent dans des passoires énergétiques ce sont des ménages qui en ont le plus besoin, pour se protéger efficacement et durablement des hausses des prix de l’énergie. Alors qu’une une simple isolation de combles, installation de pompe à chaleur ou autre sans réelle vision globale, ne le pourra jamais.
Comment agit Dorémi ?
Pour réussir à rénover de manière performante des logements énergivores, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait agir sur l’offre et la demande.
D’une part, accompagner les ménages dans leurs démarches, les conseiller sur les travaux à réaliser et optimiser leur plan de financement.
D’autre part, travailler avec les artisans, pour qu’ils travaillent en bonne coordination entre corps de métiers et développent les compétences nécessaires aux rénovations performantes, mais aussi avec les collectivités territoriales qui portent un service public de rénovation énergétique et parfois des actions de lutte contre la précarité énergétique. Ainsi, nous proposons des formations aux artisans et facilitons la création de groupements d’artisans pour que sur chaque territoire, des rénovations performantes puissent être menées de A à Z. Cette approche est encore assez peu développée dans notre pays.
Comment vois-tu Dorémi au sein du Comité d’Engagement ?
Au début c’était assez étonnant, car on avait une vision différente des autres membres du Comité d’Engagement. Je me souviens que les échanges portaient sur l’urgence à agir, les travaux à mener tout de suite sans forcément de vision globale, et assez peu sur des solutions pérennes à apporter contre la précarité énergétique – ce qui constitue ma vision des choses. Aujourd’hui, le positionnement d’Énergie Solidaire a évolué, et nous sommes dans une dynamique préventive et plus uniquement curative. C’est le résultat d’échanges avec les membres du Comité d’Engagement pendant ces trois années. Une évolution collective donc, qui montre qu’il est tout à fait possible de concilier objectifs énergétiques, climatiques et sociaux et que la rénovation performante est l’un des meilleurs leviers pour résoudre durablement la précarité énergétique !
Dorémi a aussi évolué dans sa vision de la rénovation énergétique. Nous venons d’organisations engagées pour le climat ; l’aspect social de la précarité énergétique n’était pas prépondérant à nos débuts. Mais ça a changé au fil du temps ; le fait de participer au Comité d’Engagement aux côtés de la Fondation Abbé Pierre par exemple y est sûrement pour quelque chose.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le fonctionnement du Comité d’Engagement ?
Pour moi, le plus intéressant c’est de co-construire l’appel à projets. Ensemble, nous décidons de ce qui doit être prioritaire, nous définissons des critères d’attribution spécifiques. C’est là que les appels à projets se créent. Et comme nous sommes assez différents autour de la table, les débats sont riches. Le Comité d’Engagement est aussi un moment pour côtoyer des acteurs avec lesquels je ne travaille pas ou peu. Je trouve aussi intéressant que trois micro-donateurs soient autour de la table : ils ont une vision différente de nous, et c’est enrichissant de voir comment ces personnes engagées envisagent les projets à soutenir.
Voir la composition du Comité d’EngagementUn mot sur l’appel à projets 2021 ?
Avec cet appel à projets, nous avons choisi de cibler les rénovations performantes pour les ménages modestes. C’est un sujet qui me tient à cœur et je me réjouis que nous ayons collectivement choisi ce thème.
Sur la forme, moi qui ai l’habitude de répondre à des appels à projets, je voudrais souligner la transparence dont Énergie Solidaire fait preuve dans cet exercice. Il est rare que les critères d’attribution soient si détaillés ; cela permet aux associations de savoir en amont si elles sont éligibles et si elles ont une chance d’être retenues. Je trouve que cette transparence est représentative de l’identité d’Énergie Solidaire !