La Fondation Abbé Pierre : le continuum mal-logement et précarité énergétique
La Fondation Abbé Pierre, acteur incontournable de la lutte contre le mal-logement, fait partie de notre Comité d’Engagement, l’organe qui sélectionne les projets soutenus par Énergie Solidaire. Entretien avec Julie Courbin, chargée de mission et représentante de la Fondation au sein de ce Comité.
Depuis quand la Fondation Abbé Pierre est-elle engagée dans la lutte contre la précarité énergétique ?
La Fondation Abbé Pierre a milité pour que la précarité énergétique soit traduite dans la loi et dans les politiques publiques dès 2010 et le Grenelle de l’Environnement.
Grâce au soutien de ses donateurs, la Fondation soutient plus de 900 projets par an, essentiellement portés par des acteurs associatifs.
Pour la Fondation Abbé Pierre, la précarité énergétique est une facette du mal-logement, un autre visage de la pauvreté, moins stigmatisant. La Fondation Abbé Pierre s’appuie sur le continuum entre le mal-logement et la précarité énergétique pour agir auprès des personnes les plus précaires dans notre pays.
Comment la Fondation Abbé Pierre agit-elle sur la précarité énergétique ?
Notre objectif : développer la connaissance de la précarité énergétique. Pour ce faire, nous avons organisé un colloque sur les effets sur la santé de la précarité énergétique, mais aussi une exposition photo afin de sensibiliser le grand public à cette réalité. Cette année, avec la première Journée contre la précarité énergétique, nous allons plus loin pour que cette problématique soit connue de tous et toutes. Et que des décisions politiques en découlent.
Un de nos programmes phares, Toits d’abord, vise notamment la réduction de la précarité énergétique. En soutenant financièrement la production de logements abordables qui ne soient pas des passoires énergétiques, nous agissons pour que les personnes précaires puissent se loger dans des conditions abordables et décentes. Ce sont environ 500 logements par an qui sont soutenus.
Et avec le programme SOS Taudis, nous sommes aussi en mesure d’aider les propriétaires occupants très modestes en habitat indigne et/ou en précarité énergétique à financer leur reste à charge lorsqu’ils souhaitent rénover leur logement.
Au-delà de ces actions, nous menons des actions de plaidoyer au niveau national.
Au niveau régional, la Fondation Abbé Pierre soutient des actions concrètes de lutte contre la précarité énergétique. Quelles sont-elles ?
La Fondation Abbé Pierre a 9 agences régionales en France métropolitaine et à la Réunion. Certaines de ces agences répondent à des appels de détresse : en complément du Fonds de solidarité pour le logement (FSL), nous pouvons aider des ménages dans le besoin à payer leurs factures d’énergie. Nous veillons toujours à ce que ces aides soient intégrées dans un projet plus large pour traiter l’origine de l’impayé. Par exemple,une rénovation du logement, ou un projet d’apurement de la dette du ménage.
Ces agences régionales soutiennent aussi des SLIME, un programme porté par le CLER (Réseau pour la transition énergétique), qui permet de repérer les ménages en précarité énergétique, de réaliser une visite sociotechnique à domicile, et de les orienter vers des solutions durables. La Fondation soutient en particulier la mise en œuvre de petits travaux, d’équipement électroménager, mais aussi la médiation entre les locataires et leurs bailleurs pour réaliser des travaux de rénovation énergétique.
La Fondation Abbé Pierre est connue pour ses prises de position et le plaidoyer qu’elle mène. En ce qui concerne la précarité énergétique, quelles sont vos actions phares ?
D’une part, nous participons et sommes parfois à l’initiative de collectifs. Par exemple, nous soutenons le réseau RAPPEL ( le réseau des acteurs de la pauvreté et de la précarité énergétique dans le logement), nous sommes membres depuis sa création de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) et nous faisons partie de l’initiative Rénovons ! Nous sommes également investis dans le Pacte du Pouvoir de Vivre. Et cette année, nous avons initié la création de la première journée nationale dédiée à la précarité énergétique en France.
Plus d’infosD’autre part, nous sommes intervenus sur de nombreux sujets autour de la précarité énergétique. Par exemple la loi de transition énergétique pour la croissance verte ne mentionnait pas la « précarité énergétique » dans le projet de loi, et a instauré un critère de performance énergétique dans le décret décence, mais nous avons aussi fait une intervention volontaire dans l’Affaire du Siècle.
Nous suivons de près l’utilisation du chèque énergie, que reçoivent automatiquement les ménages à faibles revenus pour les aider à payer leurs factures énergétiques. C’est une aide bienvenue mais qu’il s’agirait de revoir à la hausse de manière pérenne.
La Fondation Abbé Pierre est membre du Comité d’Engagement d’Énergie Solidaire depuis ses débuts. En quoi cela a-t-il du sens pour vous ?
La Fondation travaille depuis longtemps avec le CLER, le réseau pour la transition énergétique et nous avons toujours été proches des mouvements citoyens. Nous sommes attachés à la sobriété énergétique, qui doit être couplée avec de l’efficacité énergétique et idéalement des énergies renouvelables, afin d’atteindre une transition énergétique juste.
Pour ces raisons, nous avons été séduits par le micro-don sur consommation d’énergie que propose Énergie Solidaire aux clients d’Enercoop. Cela permet à chacun de faire sa part de colibri, en consommant de l’électricité renouvelable et en étant solidaire des personnes qui ne peuvent pas consommer l’énergie dont ils ont besoin.
Nous avons donc accepté en 2017 de faire partie du Comité d’Engagement d’Énergie Solidaire, et nous ne le regrettons pas !
Qu’est-ce qui te plaît dans notre Comité d’Engagement ?
Ce que je trouve enrichissant, ce sont les différents profils présents dans le Comité d’Engagement. Il y a des experts, comme nous à la Fondation Abbé Pierre ou Dorémi, mais aussi des fondations partenaires, qui n’ont pas la même vision que nous. Mais surtout, il y a le collège des micro-donateurs. C’est une vraie richesse : les actions soutenues par Énergie Solidaire ne sont possibles que grâce à ses donateurs, c’est donc important qu’ils aient une place dans la sélection des actions soutenues. Cela nous permet aussi, à nous professionnels, de nous rendre compte de ce qui est compréhensible, et acceptable par le grand public. Et de ne pas rester enfermés dans nos positions d’experts. C’est crucial de pouvoir se confronter à leur vision.
Lire le témoignage des micro-donateursQue penses-tu de notre manière de mener les appels à projets ?
Au début du Comité d’Engagement, il n’y avait ni les micro-donateurs ni même le micro-don en place. Le Comité d’Engagement a beaucoup évolué !
Je trouve que la préparation des appels à projets est efficace et minutieuse – alors que ce ne sont pas des sommes énormes, comparés aux projets que je peux voir par ailleurs. Énergie Solidaire prend garde à être clair dans ses appels à projets et c’est vraiment une bonne chose pour les porteurs de projets : ils savent si l’appel à projets leur correspond et s’il est utile pour eux de répondre.
Pour moi, c’est aussi intéressant de découvrir les projets des candidats aux appels à projets. Parfois, ce sont des projets que nous connaissons déjà à la Fondation Abbé Pierre et parfois nous en découvrons de nouveaux. Il nous est même arrivé de contacter un porteur de projet suite à un Comité d’Engagement d’Énergie Solidaire ! C’est enrichissant pour tout le monde.