3 février 2021

Rapport de la Fondation Abbé Pierre : « 2020 est un cauchemar pour les mal-logés »

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La Fondation Abbé Pierre a publié ce 2 février 2021 son rapport sur l'état du mal-logement en France en 2020. Décryptage de la gestion de la crise, mais aussi de la politique du gouvernement depuis 2017, il aborde notamment la rénovation énergétique, et préconise des solutions.

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La Ministre du Logement a annoncé que la trêve hivernale sera prolongée, et prendra fin le 1er juin – et non le 1er avril comme habituellement. C’est une bonne nouvelle pour les ménages qui auront un répit plus long : pas d’expulsions locatives, ni de coupures d’électricité ou de gaz avant le 1er juin donc.

Elle a également participé au webinaire de présentation du rapport sur l’état du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre. Le fil rouge du rapport : « . « Le mal-logement en confinement c’est la double peine, c’est le mal-logement au carré ».

Lire le rapport

Une crise sanitaire qui devient crise humanitaire

La rapport souligne que « beaucoup de ménages affrontent pour la première fois de leur vie des impayés de loyer ». Et d’alerter : « toutes ces évolutions inquiétantes plaident pour qu’on ne considère pas la crise sanitaire comme une parenthèse qui pourrait se refermer rapidement avant le retour de jours heureux ». La crise a ainsi déstabilisé des publics jusqu’ici protégés et le phénomène est suffisamment massif pour inquiéter.

Le rapport souligne que le gouvernement a mis en place des mesures conjoncturelles et ponctuelles, mais pas de mesures structurelles comme la mise en place d’un RSA pour les jeunes et l’augmentation du RSA. Par ailleurs, la crise creuse les inégalités, comme le soulignait Oxfam dans son dernier rapport.

  • Les conditions de vie des plus précaires sont des facteurs de risque face au virus. Le surpeuplement a un impact non négligeable : « alors que le taux de contamination est de 2,1 % pour les personnes seules dans leur logement, il est de 8,5 % pour celles habitant un logement avec au moins quatre autres personnes. »
  • Au-delà du Covid-19, on sait que la précarité énergétique a un impact important sur la santé des occupants : « en plus d’être particulièrement sensibles aux pathologies hivernales, des problèmes de santé chroniques respiratoires, ostéoarticulaires, neurologiques ou de dépression apparaissent plus fréquemment chez les personnes exposées à la précarité énergétique, toutes choses égales par ailleurs ». À l’heure où 54 % des télétravailleurs souffrent de défauts d’isolation de leur logement, les périodes de confinement accentuent ces difficultés, les contraignant à travailler dans un endroit froid, humide ou mal ventilé.
  • L’augmentation des dépenses de chauffage due aux confinements pèse aussi sur les budgets des ménages les plus modestes. « Pendant le premier confinement, ENEDIS a observé une hausse de la consommation de l’ordre de 4 % par rapport à l’année précédente chez les particuliers. » La hausse de la consommation d’énergie lors du confinement de novembre sera donc très probablement bien supérieure.

La Fondation Abbé Pierre exprime également son inquiétude quant à la situation des jeunes face à cette crise. Une crainte partagée par d’autres acteurs, suite aux résultats du baromètre info-énergie, publié en octobre dernier.

L’état de la rénovation énergétique

Pour la Fondation Abbé Pierre, « la priorité est de venir à bout des 4,8 millions de passoires énergétiques (17 % des résidences principales du parc résidentiel privé), en rénovant d’abord les deux millions occupées par des ménages modestes. En plus d’être inconfortables, malsains et coûteux, ces logements énergivores sont responsables d’une large part des émissions de gaz à effet de serre. »

Le rapport relève que les rénovations dans le parc social ont bien avancé : 161 000 logements rénovés en 2018, et la rénovation de 125 000 logements par an jusqu’en 2022 a été annoncé.

En revanche, dans le parc privé, cela ne va pas assez vite. 41 000 logements rénovés en 2019, l’objectif initial étant de 100 000 logements par an. De plus, seulement 19% des rénovations concernaient des passoires énergétiques, et entre 2012 et 2016, seulement 0,2 % des rénovations étaient dites performantes (viser le niveau BBC).

La question de la performance des rénovations est également centrale. Pour que les rénovations soient efficaces, tant en termes d’économies d’énergie qu’au niveau des réductions d’émissions de gaz à effet de serre, il faut viser un niveau A, B ou C de performance énergétique. À ce jour, les aides publiques incitent aux rénovations par gestes, et pas suffisamment aux rénovations globales. Or ce sont ces dernières qui permettent d’atteindre des performances énergétiques élevées. Pour encourager cela, le Haut Conseil pour le Climat propose de supprimer d’ici à 3 ans les aides pour les rénovations par gestes, afin de ne financer que les rénovations globales.

Le budget alloué à la rénovation est en augmentation. Mais le Haut Conseil pour le Climat estime que pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre de la France, il faudrait multiplier par deux l’investissement annuel total (public et privé) pour massifier les opérations de rénovation énergétique, et également quadrupler les aides publiques à la rénovation. L’accompagnement des ménages pour mener une rénovation globale (assistance à maîtrise d’ouvrage ou AMO) est insuffisamment financé à ce jour.

Autre point saillant : le reste à charge pour les ménages modestes reste trop élevé. Aujourd’hui, les ménages modestes ne peuvent pas rénover globalement leur logement, faute de moyens et ce malgré les aides publiques. Quand on sait que les ménages modestes sont les plus représentés dans les passoires énergétiques, cela implique que l’objectif de rénover toutes les passoires énergétiques ne peut être atteint.

Enfin, les dispositifs d’aides à la rénovation ne touchent que très partiellement deux publics : les copropriétés et les locataires du parc privé.

Les préconisations de la Fondation Abbé Pierre sur la rénovation énergétique

  1. Mettre en place une obligation de rénovation des passoires énergétiques puis des logements énergivores (D et E du DPE), progressive d’ici 2030, et assortie d’aides pour les propriétaires modestes, est la solution pour réduire les passoires énergétiques et respecter les engagement climatiques de la France. C’était une des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat.
  2. Le seuil d’indécence énergétique paru dans un décret récemment, est insuffisant : le seuil fixé n’inclut que certaines passoires énergétiques, et le choix de le compter en énergie finale exclut de fait les logements en chauffage électrique, qui pourtant sont largement concernés par la précarité énergétique.
  3. Des sanctions légères seraient à imaginer, comme plafonner les loyers à 20% au-dessous du loyer médian. Cela permettrait d’inciter davantage les propriétaires à rénover et d’aider les ménages à payer leurs factures d’énergie d’ici là.
  4. Un bonus-malus sur la taxe foncière en fonction de la performance énergétique du logement serait aussi incitative.
  5. Réduire au maximum le reste à charge pour les ménages modestes est essentiel.
  6. Rendre l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les rénovations globales plus systématique et avec des moyens suffisants.

Aidez-nous à agir

Face à cette situation difficile pour les ménages en précarité énergétique, et à l’augmentation de ces ménages dans les années à venir, des solutions existent. Soutenir des associations qui permettent aux ménages modestes de rénover de manière complète et performante leur logement, c’est notamment l’engagement d’Énergie Solidaire.

Avec vos dons, vous pouvez contribuer à sortir durablement des ménages de la précarité énergétique !

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